« Sinon j'aurai fait tout ça pour rien ! »
Voilà donc donné en une hideuse expression (le titre de l'article) un des outils principaux d'aliénation et d'emprisonnement des êtres par l'Institution Scolaire.
La scolarisation est non seulement une capitalisation (oui il y a un lien direct avec le capitalisme), mais c'est une capitalisation qui repose sur des franchissements de seuils et des droits d'accès. Sur ce site Internet, nous avons déjà beaucoup parlé du problème d'un savoir par capitalisation mais moins de ce problème de franchissement de seuil qui emprisonnent totalement les êtres.
Et globalement, on peut dire que c'est le temps qui passe, autant que les diplômes, qui conduit à franchir les seuils. Pour franchir une classe, il faut patienter une année scolaire ; pour franchir le bac, il faut attendre d'atteindre l'âge de 17-18 ans. Ils sont sans arrêt des millions à attendre... au lieu de vivre. Ils attendent de vivre et ils ne savent pas que s'ils continuent dans cette voie, ils ne vivront jamais : ils attendront toute leur vie. Combien sont-ils à dire « si je m'arrête de travailler à 55 ans, je vais avoir une retraite minable, et j'aurai fait tout ça pour rien, il vaut mieux que je continue, après ça ira.» (N'est-ce donc pas le même schéma qui dure depuis l'école ?)
Ce concept de seuil, d'étape, de niveau, (et donc de capitalisation), est énormément exploité par les jeux-vidéos depuis le début de cette industrie. Les fabricants de jeux-vidéos savent combien la psychologie humaine aime avoir la sensation de réussir à franchir des étapes, avec cette sensation que, avant le seuil : on peut encore TOUT perdre, et après le seuil, l'étape est définitivement « gagnée » (acquise), pour toujours !! ... (Alors que les Dieux se demandent depuis l'aube des temps ce que l'homme a gagné quand il dit justement avoir gagné.... ) Ça doit sûrement avoir avec l'adrénaline ou des choses comme ça. Les inventeurs de jeux-vidéos travaillent dur pour concevoir des jeux où les franchissements de seuil sont correctement étudiés et ajustés pour que le déplaisir ne l'emporte jamais sur le plaisir du défi et de la quête.
Dans les Institutions Scolaires (et puis après dans le "monde du travail"), on met au point des parcours qui repose sur la même recherche. Des parcours pour que chaque individu pris séparément puisse dire à tout moment : « Je continue car sinon j'aurai fait tout ça pour RIEN.» ou bien encore « Je continue car l'étape d'après est tellement énorme par rapport à celle que je viens de franchir ! Si jamais je réussis à la franchir, je serais tellement heureux ! »
C'est là où un machin comme le baccalauréat exerce une puissance hallucinante sur les êtres, puisque le commencement du jeu a été enregistré dans les consciences vers l'âge de 3 ans. Ainsi (seuil du Brevet des collèges mis à part), pour un élève de classe de seconde, âge qui correspond non seulement à des envies de rébellion mais aussi à la fin de l'obligation de scolarité (16 ans), s'il envisage d'arrêter, il aura la sensation très douloureuse d'arrêter un jeu qu'il a commencé à l'âge de 3 ans dont il a franchi des étapes intermédiaires (les classes) mais dont il n'a pas encore franchi le seuil suprême instituant la fin d'un Acte initié à l'âge de 3 ans ! (avec, on le rappelle, toute sa famille et toute la société qui lui en parlaient dès l'âge de 1 an, voire même quand il était encore dans le ventre de sa mère).
Mais comment donc ne pas voir que cette situation dans laquelle on nous place et qui nous conduit à penser : « Je continue car sinon j'aurai fait tout ça pour rien.» n'est pas saine du tout (litote) et se trouve diamétralement opposée à l'amour ? Comment ne pas admettre qu'il s'agit d'une des violences psychologiques les plus subtiles et les plus perverses qui soient ? Comment ne pas finir par comprendre que nous amener à penser de cette manière, ça n'est jamais dans notre intérêt, mais dans l'intérêt d'autres personnes et dans celui d'un système oppressif et violent (de "violence organisée").
Mais voilà donc une pensée-clé et des phrases-clés qui doivent tous nous alerter : « Je continue car sinon j'aurai fait tout ça pour rien.» ou « Je continue car l'étape d'après est tellement énorme par rapport à celle que je viens de franchir ! » pour se rendre compte qu'on est en train de se faire totalement avoir par un système, surtout dans la mesure où ce n'est jamais nous qui fixons les seuils. Ô bien-sûr, ils sont suffisamment forts pour nous faire croire que nous sommes nos propres bourreaux. Leur puissance est d'être totalitaire : en dehors de ce système où nous disons « Je continue car sinon j'aurai fait tout ça pour rien.», il y a bien souvent effectivement ... rien.
Mais quand on se bat 4 jours et 4 nuits pour un marlin (Cf : Le vieil homme et la mer de Hemingway), n'est-ce pas toujours pour constater qu'il attire ensuite les requins ?
Quand on aime la vie, c'est le sentier de la vie qu'on aime, peu importe qu'il passe par un sommet ou dans un fond de vallée.
Alors, se dépasser, oui, mais avec chaque pas qu'on fait, et non à partir d'un parcours artificiels à étapes MACHIAVELIQUEMENT imposé et pensé par d'autres dans leur intérêt ou celui d'un système.
Ne jamais oublier que l'intérêt d'une journée de classe, c'est uniquement celui du prof à travers son salaire et que l'élève, lui, en se rapprochant d'une étape dans son parcours scolaire, s'éloigne toujours plus de lui-même. Un seuil dans le parcours scolaire c'est donc uniquement un mur de plus qui nous sépare de nous-même, un qui monte jusqu'au ciel, une étape définitive, c'est vrai, pour la plupart.
On retrouve le sujet de l'école de la peur, souvent abordé dans ce site. Vivre en pensant « Je continue car sinon j'aurai fait tout ça pour rien.» c'est vivre dans la peur, et c'est se mettre en chemin pour la reproduire sur d'autres. Combien sont ceux qui échafaudent en permanence pour les autres des parcours de peur une fois qu'ils ont acquis une place dans le système ! Et malheureusement pour nous tous, la vie n'est pas comme un jeu-vidéo, la cruauté est bien réelle.
Sylvain
P.S : d'ailleurs vous constaterez que toutes les fois où dans votre vie vous avez fonctionné avec le « Je continue car sinon j'aurai fait tout ça pour rien.» et que vous avez finalement franchi les seuils (croyant remporter votre mise !), eh bien, dix ans ou trente ans plus tard, ces périodes correspondent systématiquement à ce que vous regrettez le plus dans votre vie. Il s'agit en fait de toutes ces périodes où vous vous êtes laissés emporter par la doctrine du monde (Cf : le texte de Tolstoï ci-dessous) :la majeure partie des malheurs de sa vie sont provenus uniquement de ce que, contrairement à son inclination, il a suivi la doctrine du monde qui l’attirait. Tolstoï
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