Hommage aux invisibles
A tous ceux qui vivent loin du grand cirque fanatique de la société occidentale contemporaine, qui ne s'exposent pas, et vivent en accord avec le Cosmos dans une humilité simple et non revendiquée. Juste humains. Petite précision de la plus haute importance, je ne les oppose pas aux quelques personnalités courageuses qui s'immiscent ponctuellement dans la soupe médiatique et dans l'espace « public » pour tenter d'y faire émerger des bulles de paix et de réflexivité. Mais ceux là, d'une certaine manière, et quelquefois-même par le rejet, trouvent une forme de reconnaissance publique ; les médias qui invalident leur prise de position valident de façon inversée, et pour qui sait comprendre, leur existence. Et en apparaissant un temps dans la sphère dite publique , ils trouvent quelquefois une forme de soutien, souterrain mais chaleureux et puissant, de la part des invisibles qui soudain voient apparaître un des leur là où l'on ne l'y attend plus et leur témoigne leur amitié sincère. Aussi minime soit-il, ce soutien vient leur donner ponctuellement du courage pour poursuivre la dénonciation d'un monde qui ne tourne plus ni rond, ni carré, ni triangle, mais qui est totalement désaxé, qui n'a plus rien de géométrique et qui dégénère en une bouillie infâme.
Les invisibles, eux, et justement parce qu'ils sont invisibles, en tout cas rendus tels quels, n'ont aucun crédit, aucune reconnaissance, dans la mesure où leur existence même est niée, en tout cas ignorée, soufflée. Loin de ce monde, à la façon d'Elzear Bouffier, ou chacun à sa manière, une myriade d'hommes, de femmes et d'enfants œuvrent chaque jour pour préserver et renouveler la magie et le mystère de l'humanité, loin de la définition frauduleuse qu'on en fait. Car l'humain n'est pas cet être assujetti à une société mortifère par un travail qui menotte son existence, il n'est pas cet être impersonnel formé par les usines à pensée conforme que sont les écoles, l'humain est tellement, profondément, tellement plus que cela…
Hommage à ces femmes qui choisissent d'accompagner leur enfant aussi longtemps qu'il en a besoin vers l'autonomie réelle, loin du modèle maintenant standard enjoignant chaque mère à confier le plus vite possible sa progéniture à l'institution pour sa sociabilisation en bonne et due forme. Ces femmes font le choix de l'amour, de la confiance, du respect et de la vie, s'opposent à tous les dogmes en vigueur dans notre folle société, et parfois, courageusement, à leur compagnon pour défendre une vie en devenir. Elles ne reçoivent en retour, de la part d'une majorité de leur entourage, qu'un vague mépris, de l'incompréhension généralisée dans un monde où l'attention à l'autre est considérée comme suspecte et le dévouement au travail salarié une évidence incontournable. Ces femmes, rendues invisibles, effacées, sont des héroïnes insoupçonnées: Emilie, Laura, Fanny, Olivia, Isabelle, Sonia, Aline, Alexia, Céline, Marina, Cécile, Véronique, Natasha, et tant d'autres partout dans le monde… Je n'oublie pas les compagnons valeureux qui s'impliquent et choisissent eux aussi le respect de la vie d'un autre. Eux aussi sont rendus invisibles, et ignorés face à l'image d'un homme travailleur dévoué à l'entreprise, sûr de lui et vaillamment autoritaire que transpire quotidiennement tous les pores du corps social nécrosé, asphyxiant d'une odeur nauséabonde toute la vie fragile avoisinante et la créativité latente qui ne demande qu'a fleurir.
Hommage aux libres penseurs, éparpillés dans le monde, qui maintiennent la fougue de la créativité intacte et qui inventent et lisent le monde à chaque instant. Ils empêchent, peut-être même quelquefois sans le savoir, le bloc monolithique de béton frais « Pensée unique généralisée » de se sceller sur l'humanité. Ils sont fissures, craquèlements, lichen, pluie, acide, corrosion, érosion, saxifrages, mousses, surprenants. Ils maintiennent le renouveau OU ils renouvellent le « Maintenant » et ainsi, font apparaître aux yeux éteints la magie ineffable du moment Présent, l'instant Cadeau, que les écrans et discours stériles ne voient pas et effacent de l'existence. Ne pas les voir, ces invisibles, ne veut pas dire qu'ils n'existent pas. Peut-être même, au contraire. Dans notre monde de validation et de diplômes, c'est parce qu'ils sont absents, qu'on peut être sûr qu'ils existent…
La société compétitive et spectaculaire braque ses projecteurs sur des personnalités uniformes, conformes, insipides, faussement rebelles, faussement étonnantes, marionnettes sous contrôle, ficelles tirées par de tristes humains qui ont perdu la substance de la vie et qui ne savent plus comment se divertir et qui ne donne de sens à leur creuse existence qu'en manipulant celle des autres.
Quand on sait que la Vie ne peut être prisonnière, on sait AUSSI que le libre penseur ne sera pas la marionnette qu'on utilise pour un scénario bidon, tragique et moribond. Il sera donc, fatalement, celui qu'on ne voit pas. Il expérimente la Vie, et connaît DONC, volontairement ou non, la censure. Inversement, Tout ce qui a droit d'image et de parole au sein de notre monde d'écrans et de barrières est DONC vide de substance, puisque reproduisant sans fin un même système sans originalité ni créativité...
Mais ... Mille pensées vivantes fourmillent partout, à chaque instant, bourgeonnent, éclosent, s'infiltrent, tâtonnent, s'affermissent, grondent et se fraient leur chemin. Ne l'oublions pas. N'oublions pas que si nous ne voyons pas éclore, dans la sphère « publique » accaparée par les puissants, ces merveilleuses initiatives, c'est que ces pensées dissidentes mettent en danger le monopole des tristes marionnettistes et sont inlassablement écartées par ceux qui dirigent et n'ont pas appris à partager l'espace et la pensée… Ceux qu'on voit sont vides de substance, alors que les invisibles penseurs contiennent la Vie sans cesse renouvelée. Étrange paradoxe, de l'apparence qui cache la mort et l'invisible qui révèle la vie…
On s'achemine vers l'humain qui se cache derrière les apparences d'une fonction qu'il occupe, invisible sous le personnage qu'il moule sur lui-même. A lui -à elle, je m'adresse, vibrante étincelle cachée derrière un bureau, une officine, un comptoir, un guichet ou un étal, ou sous un costume fantoche, étincelle lointaine mais ardente et décidée, ou en voie de renaître à la Vie. Hommage à celui ou celle qui du fond de son cœur, du fond de son âme, sait qu'il occupe une position qui nuit à la Vie, mais qui infiltré dans un système délétère attend son heure avec obstination et persévérance pour rejoindre enfin la danse du Cosmos et les siens, bombe de Vie à retardement, entraînant dans son explosion toute cette vieille société bourrée de conservateurs toxiques, et qui a donc bien du mal à se décomposer.
Hommage au paysan qui marche sur les crêtes au petit matin, les poumons emplis de l'air neuf de l'aube ; hommage au rire qui circule de bouche en bouche dans un cercle d'humains assis sur la terre ; hommage à celui-celle, qui plonge amoureusement ses mains dans le sol pour y enfouir une graine ; hommage à la dissidence, hommage à la danse, hommage à l'indien qui parle au caillou-ancêtre , à l'amie qui embrasse en riant un escargot et au chat qui ronronne; hommage aux enfants qui désobéissent aux règles qui les tourmentent, ou qui obéissent à la vie, selon l'angle qu'on choisit ; hommage au musicien qui renouvelle et accorde les sons du monde au moment Présent et Unique, loin du temps programmé ; hommage aux déscolarisés, hommage à ceux qui ne seront jamais scolarisés, hommage aux enfants qui naissent loin des hôpitaux, à leurs mères qui accouchent avec courage et discrétion, aux femmes qui sont là pour les soutenir et accueillir les enfants du Cosmos et non de la société ; hommage à celui-celle qui de ses mains et aidé-e par celles de ses ami-e-s bâtit sa maison de paille, de pierre ou de bois, en donnant simplement forme aux éléments du Cosmos pour créer son refuge ; hommage à celui-celle qui fait le choix d'être invisible et brille parce qu'il ne cherche pas à briller, hommage au parent qui ne rend pas visible son affection en la transformant en cadeau matérialisé, hommage à l'apiculteur, qui, pareil à ses abeilles et peut-être pas par hasard, bourdonne chaque jour pour bâtir une communauté humaine cohérente et mellifère, hommage à ceux qui marchent ; hommage à ceux qui ont rejoint la forêt, à l'entrepreneur devenu paysan-boulanger, devenu Homme ; hommage à l'hôte qui se retirant en lui-même offre à son invité la liberté de se mouvoir ; hommage à ceux qui donnent et qui partagent, à ceux qui savent recevoir, hommage à tous ceux là qui en épousant la Vie savent que la mort en fait partie et lui donne substance, aux humains qui se respectent et communiquent avec le cœur et l'esprit conjugués.
Hommage aux oubliés, et à tous les oubliés que j'aurais oublié, hommage aux invisibles et à tous ceux que je n'aurais pas rendu visibles, ils sont là, présents par leur absence, et leur vie maintiennent l'humanité vivante…
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