Combien de fois ai-je pu, non sans un certain effroi, pénétrer dans des univers matériels PRIVÉS où j'ai directement pensé que ce qui se trouvait devant moi pourrait servir à des centaines voire des milliers de personnes alentours... Combien de fois ai-je pu me dire que telles ou telles sortes de propriétés privées étaient privées de façon scandaleuse et injuste, pour la bonne et simple raison que SI CHACUN VEUT LA MÊME CHOSE CE NE SERA PAS POSSIBLE (ou bien au prix du chaos) : « Homme, si tu veux trouver le vrai, cherche le juste » phrase de V. Hugo qui m'accompagne en permanence ;
et « Nous sommes des tyrans les uns pour les autres », vous savez peut-être que j'ai aussi constamment dans ma besace cette phrase de D.R. Dufour.
Mais, celui (personne morale ou physique) qui se fait une grande menuiserie intégrale (exemple) privative pour son usage/plaisir (ou pour gagner de l'argent) sait bien, au fond, que tout le monde ne peut pas disposer pour lui-même d'une grande menuiserie intégrale, mais il se vit donc, lui, comme plus important (meilleur) que les autres. C'est un peu comme pour la parole et le pouvoir, celui qui a plus la parole est persuadé qu'il la mérite plus que les autres. ... D'ailleurs des grandes menuiseries intégrale ou autres moyens, il en existe parfois dans quelques municipalités mais évidemment les Élus distribuent à seulement quelques-uns. C'est un autre aspect de l'horreur : quand un bien commun semble apparaître, il est immédiatement privatisé par l'oligarchie politique et par sa "justice distributive" totalement opposée à la justice mutuelle.
Je suis tombé dans ce panneau à une époque : j'ai notamment acheté en 2009 des projecteurs de théâtre, une console de pilotage des lumières et quelques autres objets de la même branche. J'ai conscience aujourd'hui que ce fut une hérésie. Je pourrais prendre beaucoup d'autres exemples mais je trouve celui-ci particulièrement parlant puisque le théâtre par essence ne peut être que commun. Et, donc, au lieu d'avoir un théâtre public, nous avons des milliers de petites entreprises libérales qui essaient de reconstituer en leur sein tous les éléments utiles au théâtre. Au lieu d'équiper chaque lieu qui a une vocation théâtrale avec des moyens techniques communs, chaque personne physique ou morale qui veut faire du théâtre est obligé de se constituer en petite entreprise complète totalement indépendante. Débile. (Débile n'est pas une insulte, c'est un vrai mot qui a un sens !)
Chaque association va donc en permanence chercher à S'ÉQUIPER, aura l'impression de CROÎTRE, de s'enrichir (à mesure qu'elle sera de plus en plus ÉQUIPÉE), mais bon sang chacun fait la même chose en même temps, pourquoi ne pas le voir ???? Une association qui investit par exemple, cette semaine, dans une viseuse, un chapiteau, un vidéo-projecteur et une caméra numérique, et ce sont donc en fait des milliers d'associations qui investissent en même temps dans une viseuse, un chapiteau, un vidéo-projecteur et une caméra numérique (et pareil à titre individuel). Comme si chaque personne morale ou physique se sert tous les jours d'une viseuse, d'un chapiteau, d'un vidéo-projecteur et d'une caméra numérique !
Une soi-disant société qui n'est pas capable de s'organiser pour étudier quels éléments seront mis en commun et quels autres seront forcément privatifs, n'est pas viable, elle se dirige vers l'asphyxie économique, et elle n'est pas MORALE !
Dans ce contexte, il ne peut pas y'avoir d'AMITIÉ (philia) en dehors de nos AMOURS (les personnes avec qui nous avons de grosses affinités).
Nous vivons dans un monde où nous essayons de récréer dans nos espaces privatifs tous les éléments de la convivialité et de la fraternité car ils ont été retirés de la vie commune.
Fini depuis longtemps le lavoir commun, le four banal... Des gens se fabriquent leur propre four à pain, leur propre "BAR", leur propre piscine, leur propre ceci ou leur propre cela... Et c'est comme ça pour tout... c'est en fait pas très propre, c'est franchement sale !!! On est dans un monde où des gens possèdent pour eux-mêmes des avions, des bateaux, des théâtres, des milliers d'hectares, des montagnes, des îles, plusieurs maisons etc.... etc....
Chaque association va faire sérigraphier ses propres verres au lieu d'équiper en jolis verres chaque lieu qui a vocation à boire un verre ensemble...
Au lieu d'acter LA PRÉSENCE DU DIVISEUR PARMI NOUS, au lieu d'en finir avec la division, nous la nourrissons en permanence.
Quelle méthode pour avancer ? : regarder intensément chaque objet partout et faire l'effort, quitte à se tromper, à les positionner dans l'espace privé ou l'espace commun (et y revenir fréquemment pour ré-interroger).
Pour déplacer mentalement un objet de l'espace privé à l'en-commun, il suffit de répondre à la question : est-ce que la vie sur terre est viable si chacun de nous dispose d'une version de cet objet ?
Enfin, prendre le risque : de remettre mentalement un objet dans l'espace commun et de s'y tenir (= ne pas se le procurer pour soi), même si nous sommes encore à l'heure du diviseur (et que le dit-objet, n'est pas encore dans l'espace commun).
Sylvain
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